62e session de la Commission africaine : déclaration orale conjointe sur les DESC en Mauritanie

62e session de la Commission africaine des droits de l’Homme et des Peuples, 25 avril - 9 mai 2018. Nouakchott, Mauritanie

Déclaration orale conjointe AMDH / Human Dignity

Nouakchott, le 28 avril 2018

L’Association Mauritanienne des droits de l’Homme (AMDH) et Human Dignity voudraient apporter des éclaircissements sur la réalisation des droits à la santé et à l’éducation en Mauritanie, droits protégés par les articles 1­6 et 17 de la Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples. En effet, malgré des améliorations notables, de nombreuses insuffisances persistent  et varient en fonction de la zone couverte. L’Etat mauritanien doit prendre toutes les mesures nécessaires afin d’assurer la jouissance effective de ces droits à tous ses citoyens ainsi qu’aux personnes vivant sur son territoire.

Droit à la santé

L’accessibilité à la santé constitue une composante essentielle et une condition d’exercice du droit à la santé. De nombreuses lacunes sont malheureusement à déplorer en matière d’accès à la santé en Mauritanie.

Des difficultés d’accès aux services de santé dans les zones rurales ont été soulignées par les différents organes de protection de droits de l’homme : le Comité sur les droits économiques sociaux et culturels[1] tout en constatant la mise en place d’un plan d’action national de 2009 à 2011, relève en particulier une insuffisance de l’offre de soins obstétriques et néonatals et de services de santé sexuelle et procréative dans ces zones.

Le manque d’infrastructures médicales réduit en effet l’accès à la santé dans ces zones où les hôpitaux et services spécialisés font défaut ou manquent de matériels appropriés ainsi que de personnel compétent pouvant répondre aux besoins de soins des populations. Dans ces zones reculées, il est à déplorer les pertes de vies humaines qu’enregistrent les casses de santé primaires et néonatales chaque année et cela par manque de moyens de déplacement (ambulances). Lorsque ces moyens existent, la situation demeure critique en raison du manque de carburant et de l’état des routes qui sont impraticables dans certaines zones.

Un  certain nombre  de citoyens  présentant un handicap sont aussi laissés pour compte. Ainsi, le Comité sur les droits de l’enfant[2], avait exprimé une inquiétude particulière par rapport à l’accès aux soins médicaux pour les enfants handicapés dans ces zones, malgré une politique nationale en faveur des enfants handicapés.

Par ailleurs, des disparités dans l’accès aux services de santé persistent en raison de coûts prohibitifs pour une partie de la population. En effet, seuls les parlementaires et les fonctionnaires peuvent adhérer au régime d’assurance maladie de l’Etat.[3]

La qualité des services de santé fournis demeure également faible. Une pénurie de personnel qualifié et de matériel médical est constatée en raison de l’insuffisance des sommes allouées au secteur de la santé.

Par ailleurs, la jouissance du droit à la santé est entravée par l’insuffisance du contrôle étatique sur le fonctionnement des prestataires de services médicaux privés ainsi que sur le prix et la qualité des fournitures médicales mises sur le marché. A cet égard, l’absence de législation adéquate régissant la pratique de la médecine traditionnelle est également préoccupante.

S’agissant de la mortalité maternelle et infantile, les Etats ont noté dans le cadre de l’EPU, la lutte contre la mortalité maternelle et infantile est devenue une priorité en matière de santé publique. La situation n’est toutefois pas satisfaisante. En effet, la malnutrition chronique touche environ 35 % des enfants mauritaniens[4].

Concernant la lutte contre le SIDA, malgré le fait que le pays ait réussi à contenir la propagation de l’épidémie et fait de la lutte contre le sida une des priorités en matière de santé, la présence du VIH est exceptionnellement élevée chez les prostituées et les détenus. Par ailleurs plusieurs facteurs de risques persistent, notamment la connaissance limitée qu’ont les femmes des moyens de prévention (surtout chez les jeunes hommes). Plus particulièrement, les adolescentes des zones urbaines sont très exposées au risque de contracter le VIH. Globalement, le constat est celui d’un manque de moyens pour assurer la prévention et d’un accès aux soins insuffisant et l’absence de structures médico-sociales publiques pour les orienter et les accueillir.

En matière de santé sexuelle et reproductive, le droit à la santé est entravé par une absence de sensibilisation des adolescents, en particulier les filles, à la prévention des infections sexuellement transmissibles (IST) et aux risques de grossesses précoces.

Par ailleurs, s’agissant des pratiques traditionnelles préjudiciables, la pénalisation des mutilations génitales féminines (MGF)[5] constitue une avancée considérable. Néanmoins, cette pratique concerne encore 70% des jeunes filles. De même, les pratiques de l’alimentation forcée (gavage) ainsi que le mariage précoce subsistent[6].

Droit à l’éducation

L’accès à l’éducation est un élément clef du droit à l’éducation. A cet égard, on peut noter certains points positifs : l’éducation est gratuite et obligatoire pour tous les enfants entre 6 et 14 ans.

Cependant, l’accès à l’éducation n’est pas garanti à tous : on peut constater des disparités régionales, mais également entre garçons et filles, pour lesquelles le taux d’analphabétisme est particulièrement élevé. Par ailleurs, même si on constate une augmentation du taux d’inscription dans l’enseignement primaire, le taux de passage dans l’enseignement secondaire est par contre faible, en particulier chez les filles.

La faible qualité de l’enseignement nuit également à l’effectivité du droit à l’éducation. Le surpeuplement des classes ainsi que le nombre insuffisant d’enseignants qualifiés et d’établissements scolaires répondant aux normes scolaires et disponibles sont en particulier mis en cause. L’éducation en Mauritanie est aujourd’hui marquée par des inégalités d’accès liées à l’enrôlement à l’Etat Civil. Les élèves qui ne disposent pas d’actes d’état civil ne peuvent pas se présenter aux concours (passage vers le cycle secondaire concours d’entrer en 6e,  brevet, baccalauréat, concours  professionnels  d’enseignement, de police, de santé notamment).

L’insuffisance du contrôle exercé sur les écoles  privées  et/ou coraniques empêche également la jouissance effective du droit à l’éducation.

Recommandations

Au vu de cette situation, l’AMDH et Human Dignity recommandent à la Mauritanie :

En matière de droit à l’éducation :

  • De s’assurer que les programme éducatifs et scolaires répondent effectivement aux normes de l’éducation nationale ;
  • De mettre en place un organe de suivi et contrôle de ces écoles avec exigence d’un bulletin scolaire et notation des professeurs Sanctionner les études coraniques par un diplôme reconnu par le ministère de l’éducation nationale
  • D’exiger la construction de salles de classe par les mahadras, et des internats répondant aux normes urbaines et respectant les critères de santé et d’assainissement
  • De prendre toutes les mesures nécessaires en matière de réinsertion scolaire et d’augmenter la qualité de l’enseignement dans les régions rurales.
  • De mettre en place des formations professionnelles connectées avec le marché de l’emploi mauritanien afin d’améliorer l’insertion des jeunes chômeurs

En matière de droit à la santé, l’accent doit être mis sur la qualité de l’enseignement médical et des programmes de formation continue des professionnels de santé et sur le maintien du personnel dans les zones reculées et mettre au point des plans d’assurance maladie de façon que les services de santé soient financièrement accessibles à tous.

Contacts

Human Dignity: info@hdignity.org et + 33 7 51 11 09 71

 

[1] Comité des droits économiques, sociaux et culturels - Observations finales concernant le rapport initial de la Mauritanie, 10 décembre 2012, E/C.12/MRT/CO/1.

[2] Comité des droits de l’enfant, Observations finales concernant le rapport périodique de la Mauritanie, 17 juin 2009 CRC/C/MRT/CO/2.

[3] Comité des droits économiques, sociaux et culturels - Observations finales concernant le rapport initial de la Mauritanie, 10 décembre 2012, E/C.12/MRT/CO/1.

[4] Voir notamment la contribution de l’AMDH à l’EPU sur les site de UPR Info 

[5] Ordonnance no 2005 015 du 5 décembre 2005 portant protection pénale de l’enfant

[6] Comité des droits de l’enfant, Observations finales concernant le rapport périodique de la Mauritanie, 17 juin 2009 CRC/C/MRT/CO/2